Fin du "Triangle de la tristesse", expliqué : qu'arrive-t-il à Yaya et Carl ? Quelle est la signification globale du film ? | DMT (2023)

Comme pour ses deux films précédents, la dernière satire sociale de Ruben Ostlund, "Triangle of Sadness", est très divertissante et impressionnante, du moins sur la première montre. Cependant, l'effet de "Force Majeure" ou les subtilités plus profondes de "The Square" manquent sans doute ici, rendant cette nouvelle comédie noire plutôt directe et sur le nez. Divisé en trois actes, précédés d'une courte introduction, "Triangle of Sadness" suit un couple modèle, Carl et Yaya, alors qu'ils effectuent un voyage de luxe sur un yacht super cher, rencontrent les ultra-riches de la société, puis finissent par avoir vivre des situations inattendues. Bien qu'il ait sa part de moments faibles discutables, "Triangle of Sadness", qui est également le lauréat de la Palme d'Or de 2022 (le deuxième d'Ostlund après "The Square" en 2017), est agréable avec tout ce qu'il essaie de dire.

Spoilers à venir

Résumé de l'intrigue de « Triangle Of Sadness » : de quoi parle le film ?

Le film commence par une brève introduction visuelle à l'un de nos protagonistes, Carl, alors qu'il auditionne pour un casting avec d'autres modèles masculins. Il semble que Carl s'efforce toujours de se faire connaître sur le terrain. D'un autre côté, Yaya est beaucoup plus établie en tant que mannequin, et elle ouvre même le défilé de mode d'une nouvelle marque pendant que son petit ami Carl regarde le spectacle depuis un siège à l'arrière. Le couple sort dîner dans un restaurant chic et a un désaccord plutôt laid sur qui doit payer la note. Pour Carl, tout ce qui concerne les rôles de genre devrait être égal dans une relation, et il attend que Yaya règle la facture, d'autant plus qu'elle avait promis de le faire la nuit précédente. Yaya, cependant, semble aimer le fait que son homme serait prêt à couvrir ses besoins, et elle croit davantage à la nature transactionnelle d'une relation. Mécontent du dîner et du trajet en taxi qui a suivi jusqu'à l'hôtel, le couple passe d'abord un certain temps loin l'un de l'autre jusqu'à ce que Yaya retourne enfin dans la chambre de Carl. Les amants semblent se réconcilier, et Carl fait une promesse à moitié sérieuse qu'il fera en sorte que Yaya tombe vraiment amoureuse de lui un jour prochain, au-delà de la phase transactionnelle dans laquelle ils se trouvent actuellement.

Quelques jours plus tard, Carl et Yaya font une croisière de luxe tous frais payés dans le cadre de son travail de mannequin / influenceur, et le couple fait connaissance avec le reste des invités super riches. Alors que la fracture de classe flagrante et les privilèges qui l'accompagnent deviennent plus apparents, le yacht de luxe de "Triangle of Sadness" navigue à travers les questions de hiérarchie sociale et d'idéologie vide. Des dangers attendent également sur l'intrigue, alors que le mauvais temps et une attaque de pirates se succèdent rapidement, conduisant le yacht à s'écraser au milieu de la mer. Carl et Yaya sont parmi les rares chanceux à avoir survécu à l'accident alors qu'ils s'échouent sur une île voisine, et finalement, la structure de classe sociale du monde en général est complètement renversée.

Quels sont les thèmes et la signification générale du film ?

Ruben Ostlund s'est toujours davantage concentré sur les thèmes et le symbolisme dans ses films, ses personnages existant pour jouer ces thèmes, et "Triangle of Sadness" ne fait pas exception. Premièrement, pour entrer dans le sens du titre lui-même, le terme "triangle de tristesse" est utilisé dans la scène d'introduction où Carl auditionne pour le poste de mannequin. Il se réfère essentiellement à la partie du visage entre les sourcils, où l'on pense que les niveaux de stress et d'inquiétude d'une personne sont apparents. Ce titre semble faire partie de la satire, suggérant probablement les inquiétudes bizarrement étranges que les riches ont dans des situations inappropriées, ce qui se produit tout au long de l'intrigue du film. Fait intéressant, le titre français du film, "Sans Filtre" (littéralement, "sans filtre"), est peut-être plus direct en signifiant de quoi parle le film, car il s'agit à juste titre d'une moquerie sans filtre des ultra-riches. Pour en revenir au titre anglais, il y a un grand nombre de choses dans le film qui se passent par trois, dont la plus importante est la structure même en trois actes. Chacun de ces actes peut être considéré comme représentant trois thèmes différents, qui ne disparaissent pas nécessairement dans les suivants mais sont mis en évidence dans chacune de leurs parties.

Pour commencer, le premier acte concerne entièrement le couple protagoniste, tous deux mannequins, et la base même de leur relation à l'heure actuelle est de gagner des abonnés Instagram l'un pour l'autre. Parallèlement à cette sorte de caractéristique très donnant-donnant, il y a aussi une division de pouvoir fortement déséquilibrée dans cette relation qui peut être ressentie. Carl semble être très concentré sur le fait de faire de leur relation l'un des égaux, sans aucun rôle social ou de genre attaché. Il veut que Yaya paie le dîner cher car c'est elle qui l'a invité et aussi parce qu'elle a mentionné qu'elle le paierait, et il est étonné de voir comment la femme essaie d'éviter de payer à tout prix. Une fois que la situation devient un peu incontrôlable et blesse l'ego de Yaya, elle sort une carte pour payer, mais il n'y a pas assez de fonds dessus. C'est finalement Carl qui paie pour cela, puis fait une crise quand ils sont de retour à l'ascenseur de leur hôtel, même si la chambre d'hôtel dans laquelle il a séjourné a également été payée par sa petite amie. Bien qu'il puisse être facile de prendre parti, en particulier dans ce premier acte, Carl et Yaya sont des individus imparfaits, et déterminer qui a raison n'est pas du tout l'intention du film. Il s'agit plutôt d'évoquer des conversations sur les rôles de genre et peut-être aussi de façonner les personnages de Carl et Yaya en tant que nouvelle classe riche montante, qui sont nouvelles à une telle stature et commencent progressivement à jouer le rôle. Même si Carl veut éviter les rôles de genre, il finit par faire un certain nombre de choses à bord du yacht qui s'expliquent peut-être mieux comme des perceptions sociales de la façon dont un homme est censé agir. Bien qu'à un moment du premier acte, après leur bagarre dans l'ascenseur de l'hôtel, Carl remarque à quel point le féminisme de Yaya est partiel et disparaît lorsqu'il s'agit de payer les factures, son propre souhait d'abolir les rôles de genre dans une relation semble rester limité aux instances quand les factures doivent être payées. Il convient également de noter que Yaya n'est pas non plus un pur personnage de saint; au-delà des prétentions superficielles, elle admet très clairement qu'elle considère les relations comme un accord très transactionnel et qu'elle choisirait son partenaire dans la vie en fonction de ces critères.

Le deuxième acte, à bord du yacht de luxe, commence par Yaya et Carl avant de présenter progressivement les autres personnages et de passer à eux. Lorsque l'un des travailleurs sur le pont expose sa silhouette bien bâtie et que Yaya semble avoir une fantaisie ludique envers lui, Carl s'approche simplement des autorités et se plaint du travailleur et le fait rapidement virer. Si le premier acte portait sur les rôles de genre et les relations modernes déséquilibrées, le deuxième acte est presque entièrement axé sur la classe sociale et les privilèges. Une hiérarchie sociale existe très physiquement dans le yacht, avec les clients aisés tout en haut, puis le personnel d'accueil blanc au milieu, puis le personnel et les travailleurs non blancs tout en bas. Ces ouvriers sont littéralement vus dans leurs quartiers dans la coque du bateau ; on ne les voit presque jamais sur les ponts supérieurs. Ils ne sont pas vraiment autorisés, ou du moins encouragés, à parler avec les invités, et la seule fois où ils habitent le même espace que ces invités, c'est pour nettoyer l'endroit après des dîners raffinés. Le personnel intermédiaire, qui se prépare au début de chaque voyage avec une énergie rechargée à bien se comporter avec les invités afin de gagner de gros pourboires, est évidemment le symbole de la classe moyenne dans la société. Ce sont eux qui communiquent avec les hôtes, en gardant toujours un air de douce servitude envers eux-mêmes, puis font faire le travail par les ouvriers, qui sont professionnellement et socialement en dessous d'eux. Ensuite, bien sûr, les riches invités, dont beaucoup sont complètement détachés du monde réel. Le magnat russe des engrais Dmitry et ses deux compagnons (l'un sa femme et l'autre une maîtresse beaucoup plus jeune) ne prétendent pas qu'ils peuvent s'en tirer avec presque tout en raison de leur richesse. En fait, le deuxième acte du film commence par des scènes d'un carton de Nutella largué d'un hélicoptère dans la mer, puis amené à bord du yacht, uniquement parce que Dmitry et ses compagnons l'ont demandé. Un couple anglais âgé se révèle être devenu riche en vendant des bombes et des armements, ayant tiré profit des privations et de la mort pendant les guerres. Un couple allemand est également présent, avec la femme attachée à son fauteuil roulant après un accident ; elle a également perdu la capacité de parler depuis cet accident. Les seuls mots ou phrases qu'elle peut sembler dire à l'heure actuelle sont "nein", qui est "non", et "in den wolken", qui se traduit par "dans les nuages", ce qui est une chose absolument bizarre et inutile à pouvoir dire pour quelqu'un qui ne peut rien dire d'autre. Mais pour les ultra-riches, une phrase comme « dans les nuages ​​» est peut-être plus pertinente qu'autre chose. Un autre couple de personnes âgées se plaint que les voiles du yacht sont sales, exigeant que le personnel le nettoie afin qu'il puisse avoir une belle vue depuis le pont sans avoir à voir de saleté, à l'exception du fait que le yacht à moteur n'a pas du tout de voiles. .

L'absurdité et l'aveuglement des riches sont encore mis en évidence dans une tournure choquante des événements lors du dîner du capitaine, car cette fête semble être le point culminant d'Ostlund. Avec les personnages et les situations présentés de cette manière, une perturbation s'était toujours présentée, et elle est finalement arrivée sous la forme d'un temps terrible. Alors qu'un grand dîner avec une cuisine exotique et luxueuse est organisé, le yacht se heurte à une mer agitée, faisant tout osciller et rebondir terriblement. Alors que les invités commencent à avoir le mal de mer les uns après les autres, des fluides corporels et des déchets très visuels sont jetés impuissants, et pour couronner le tout, les autres invités continuent à manger sans montrer la moindre gêne ou inquiétude. Le personnel bourgeois prétend également que tout va bien en continuant à verser du vin et du champagne même au milieu de tout cela ou en distribuant des bonbons au gingembre et en disant que tout est sous contrôle. Mais il semble aussi qu'il y ait eu quelque chose de terriblement mal avec la nourriture, car certains des invités commencent bientôt à avoir des accès de diarrhée, et telle semble être la rage d'Ostlund contre la haute classe moderne (et à juste titre) que certains d'entre eux ont leurs extrémités excrétant littéralement partout dans leurs chambres et leurs toilettes, car la saleté et la crasse commencent également à déborder et à occuper la majeure partie du sol du yacht. Au milieu de tout cela, dans le sens d'une comédie relatable, sont assis deux idéologues : le capitaine du bateau, qui se trouve être un marxiste américain, et Dmitri, qui est un capitaliste russe, discutant de leurs opinions politiques et sociales divergentes. Les deux sont également détachés de la situation réelle sur le bateau et à l'extérieur, et ils se livrent à une plaisanterie hilarante de citations de gauche contre de droite. Au fur et à mesure que le temps s'améliore et que l'aube se lève, le vieux couple anglais passe un moment amoureux sur les ponts à l'approche des pirates de la mer qui lancent une grenade comme celles qu'ils fabriquent dans leur propre entreprise. Une lutte s'ensuit pendant un petit moment avant que les pirates ne fassent exploser une partie du yacht, le faisant sombrer dans la mer.

Le troisième acte montre Carl, Yaya, Dmitri et quelques autres s'échouant sur le rivage d'une île voisine en tant que seuls survivants de l'accident, et ici ils doivent réussir à survivre en attendant l'arrivée de toute aide. Ce petit groupe contient Jarmo, un homme célibataire avec une expertise technologique qui avait fait étalage de son argent aux femmes sur le yacht; Thérèse, l'Allemande en fauteuil roulant ; et le chef d'état-major du yacht, Paula. Ils sont bientôt rejoints par l'un des mécaniciens du bateau, Nelson, puis, le lendemain matin, par l'une des nettoyeuses, Abigail, qui avait réussi à s'échapper du yacht dans un canot de secours. C'est donc Abigail qui a maintenant toutes les réserves de nourriture et d'eau d'urgence, et bien qu'elle les remette initialement à Paula, elle change bientôt d'avis. Pendant tout le premier jour de leur survie, jusqu'à ce point, tous les survivants ont continué à agir comme si rien n'avait beaucoup changé et continuaient à jouer leur rôle. C'est surtout Paula qui semble la plus étrange à ce stade, car elle semble toujours croire que les invités sont sa responsabilité même maintenant, et elle essaie toujours de commander Abigail. Cependant, il s'avère qu'Abigail est la seule à pouvoir allumer un feu ou attraper et cuisiner un poisson, qui est la seule source de nourriture, et c'est là qu'intervient le troisième thème du film. Alors que l'acte précédent établissait le division des classes et des privilèges, ce troisième acte expose comment c'est le pouvoir qui corrompt et met en jeu la division des privilèges. Abigail s'impose désormais comme le capitaine des survivants, et c'est elle qui rationne chaque aliment et chaque eau, en gardant toujours plus pour elle-même et en punissant tous les dissidents qui remettent en question son rôle. Pour rendre les choses encore plus évidentes, elle utilise sexuellement Carl en échange de nourriture, que l'homme partage également avec sa petite amie modèle. Fait intéressant, Carl semble entrer dans une autre relation transactionnelle afin de garder intacte sa propre relation avec Yaya, qui était elle-même fortement basée sur les échanges.

Explication de la fin du "Triangle de la tristesse" : les survivants sont-ils sauvés à la fin ? Qu'arrive-t-il à Yaya ?

Yaya est très découragée par le fait que son petit ami couche avec quelqu'un d'autre juste devant ses yeux, mais elle ne peut pas non plus refuser la nourriture supplémentaire qu'elle reçoit de Carl. Peut-être mécontente de toute la situation, elle décide de faire une longue randonnée jusqu'au sommet de la colline voisine afin de voir ce qu'il y a de l'autre côté et dans l'espoir de trouver de l'aide. Alors qu'elle en informe Abigail et Carl, Abigail décide de l'accompagner et les deux femmes montent ensemble la colline. En dépit d'être en colère contre le capitaine autoproclamé pour l'affaire avec Carl, Yaya félicite Abigail d'avoir pu diriger un matriarcat avec tant de succès et si tôt. Que Yaya croit sincèrement ce qu'elle dit ou le dise simplement pour s'assurer que sa relation avec Abigail est maintenue est une énigme. Enfin, lorsque les deux femmes descendent la colline de l'autre côté, Yaya semble apercevoir quelque chose et en être exaltée. Une fois qu'Abigail atteint l'endroit, les deux femmes voient un ascenseur moderne construit à flanc de rocher, ce qui signifie que l'île a en fait un complexe de luxe d'un côté et n'est pas une île isolée.

Yaya est ravie de réaliser qu'ils seront sauvés et elle veut retourner au camp des survivants pour informer tout le monde. Cependant, Abigail se rend vite compte que si cela devait se produire, toute son identité de capitaine et les privilèges qu'elle obtenait en étant au sommet de la classe sociale seraient perdus. Elle s'excuse, attrape un gros rocher, puis s'approche de Yaya par derrière. À ce moment précis, la structure sociale nouvellement formée semble s'estomper immédiatement, car Yaya a suggéré qu'elle voulait aider Abigail en faisant de la femme son assistante après leur retour à la vie. Bien que cela ne soit pas directement montré, Abigail tue très probablement Yaya avec le rocher et retourne vers les autres survivants. "Triangle of Sadness" se termine par une photo de Carl se précipitant à travers la forêt de l'île, ce qui pourrait suggérer qu'il est parti à la recherche des deux femmes qui ne sont toujours pas revenues. Cela pourrait en outre suggérer qu'Abigail entre dans la station en se faisant passer pour la seule survivante et tente de s'éloigner de la situation d'une autre manière. Sinon, une autre possibilité peut être qu'Abigail retourne au camp et raconte à Carl la mort accidentelle de Yaya, et l'homme se précipite à travers la forêt à la recherche du corps de sa petite amie.

Le sort des autres survivants n'est pas non plus directement mentionné, bien qu'une scène montre qu'eux aussi se rendraient compte qu'il y en a d'autres sur l'île. Un vendeur local de marchandises se promène sur la plage vide avec toutes ses affaires lorsque Thérèse l'appelle et essaie de lui expliquer sa situation et celle des autres. Cependant, puisqu'elle ne peut rien dire d'autre que "in den wolken", il semble qu'il faudra encore un certain temps avant que les habitants et les survivants parviennent à établir une communication entre eux.

"Triangle of Sadness" est un film de comédie dramatique de 2022 réalisé par Ruben Östlund.